12 février 2009
Le nouvel album de Jean-Pierre Danel



Guitar Blog rencontre à nouveau l’homme de « Guitar Connection », et cette fois-ci pour un nouvel album doublement particulier : c’est un hommage aux mythiques Shadows, et un disque disponible uniquement via téléchargement…

Après 240 000 albums vendus des trois premiers opus de la série, Jean-Pierre Danel revient fin février avec un album délibérément nostalgique – et diablement efficace : « Guitar Connection – Tribute to The Shadows ».

GB : Pourquoi cet album ?

JPD : Les Shadows sont la raison pour laquelle je suis devenu musicien. Ils viennent de fêter leurs 50 ans d’une carrière dont on n’a aucune idée ici (520 millions de disques vendus et des hits dans toutes les décennies depuis 1958). Ils sont un peu au rock britannique ce que Johnny est ici. En plus, il se trouve que j’ai découvert leur premier album avec 21 ans de retard en… 1979 ! Ca fait 30 ans cette année, alors ces conjonctions de dates me paraissaient être un bon moment pour cet hommage.

GB : C’est un double album avec 28 titres, mais sans dvd cette fois-ci…

JPD : Oui. Certains titres avaient déjà été enregistrés mais n’étaient plus disponibles, et on a tout ressorti d’un coup. De plus, dans les « Guitar Connection » précédents, je montrais en dvd comment jouer « Apache », « FBI », etc. Alors on a préféré se centrer sur l’aspect purement musical. Mais il y a cependant un booklet exclusif offert avec le téléchargement, avec une interview de Hank Marvin et des photos rares.

GB : Cet album n’est disponible qu’en téléchargement légal. Pourquoi ?

JPD : Pour le moment on se limite à ça, oui. Le marché physique est devenu une catastrophe totale. Se payer une pub tv sur TF1 comme pour les trois premiers volumes est devenu un suicide financier, malgré des ventes qui restent bonnes. Sortir cet album sans les coups de fabrication de l’objet physique permet du coup de le proposer à un prix exceptionnellement attractif pour un double album, puisqu’il devrait être affiché à moins de 7 Euros. C’est ça ou risquer un gouffre et le vendre plein pot au triple de ce prix, ce qui n’est pas très juste pour le consommateur…

GB : De toute façon, le net est l’avenir du disque…

JPD : Sous certaines conditions, oui, évidemment. Notamment si on paye la musique, sans quoi elle cessera d’exister dans de bonnes conditions…

GB : Le disque reprend ton fameux duo avec Hank Marvin, qui fut un hit au moment de « Guitar Connection 2 »…

JPD : Oui, c’était un bonheur à faire. On ne pouvait pas ne pas l’inclure ici ! On a enregistré ça en Australie. Ce fut un grand moment. Je connais Hank depuis des années, et malgré son statut, il est resté très relax et naturel. Sa famille également. A chaque fois que l’on se retrouve, chez lui, chez moi ou en studio, c’est comme si on s’était quitté la veille. C’est le type le plus charmant du monde, avec beaucoup d’humour aussi. Le reste du temps, on est en contact très régulier par email. Ce titre est un de leurs nombreux standards, et j’ai adoré faire ça. Lui aussi s’est bien amusé.

GB : En tous cas, la filiation est évidente : quel son ! Comment obtiens-tu ce « twang » légendaire que beaucoup cherchent à copier chez Marvin sans jamais y arriver ?

JPD : Il y a plusieurs explications, même si jamais on ne fera aussi bien que Hank dans ce domaine là… D’abord je suis très imprégné de ce style, parce que j’ai tout appris à l’oreille avec ces disques quand j’étais enfant. Ensuite, j’ai machinalement adopté une technique similaire à celle de Hank, c'est-à-dire jouer les mélodies en tenant le vibrato dans la main. David Gilmour a repris cette technique chez Hank également, dont il est très fan. Enfin, j’ai la chance de disposer d’un matériel vintage, avec Strat et ampli Vox d’époque. Le tout combiné fait que c’est plutôt ressemblant, effectivement…

GB : On avait déjà apprécié ta maîtrise assez incroyable du vibrato dans les albums précédents, mais là, c’est un festival !

JPD : Merci ! Disons que c’est la marque de fabrique de Hank. Jouer ces titres sans cette technique là n’aurait que peu d’intérêt…

GB : Les éloges ont plu sur ta trilogie « Guitar Connection » et les ventes sont incroyables, surtout pour de la guitare instrumentale. Récapitulons : tu as été N°1 du Top 50, double disque d’or, tu as raflé deux awards aux USA et le Grand Prix Français de la Guitare, tu as joué sur un album avec Clapton, Santana et BB King, on t’a même vu classé dans l’Encyclopédie Américaine de la Guitare parmi les 15 meilleurs guitaristes du monde, tu as lancé un site de leçons en ligne (www.guitaracademy.fr) et publie bientôt un livre sur la Stratocaster… Que vas-tu donc pouvoir faire de plus dans le domaine de la guitare ?!!

JPD : Oh il y a toujours à faire… ! J’ai eu beaucoup de chance jusqu’ici. Tout ça est très flatteur, même si c’est souvent disproportionné, mais ça fait évidemment plaisir. J’aimerais maintenant enregistrer un album de blues exclusivement. J’adore ça. Sinon, je ne sais pas, je n’ai pas de plan de carrière, et je suis aussi très pris par mon activité de producteur, alors je me laisse guider par les idées du moment… Le label m’a aussi demandé un « Best Of » des « Guitar Connection », et qui suis-je pour refuser ?! Je vais essayer d’enregistrer un titre inédit pour ce disque là quand même…

GB : Nous avions fait il y a deux ans un article sur Miss Daisy, ta célèbre Stratocaster 1954 qui est sans doute l’une des plus rares et des plus remarquables au monde. Est-il vrai qu’elle dort maintenant dans un coffre de banque ??

JPD : Hélas oui. Des vandales ont massacré ma maison de campagne et tout ce que j’y avais, voitures comprises, et je prends désormais plus de précautions. Heureusement, la guitare était avec moi à Paris, mais bon, mon assurance m’a conseillé cette mesure un peu radicale…

GB : Bon nombre de guitaristes restent stupéfaits par le son de cette guitare !

JPD : Moi le premier !

GB : Revenons à l’album : tous les tubes des Shadows y sont ?

JPD : Les tubes en France oui, plus quelques bonus. Mais en Angleterre, ils en ont 4 fois plus que ça. C’est pourquoi, mis à part ces 3 ou 4 bonus, le répertoire est très 60’s, car leur carrière s’est cassée la figure en France ensuite, bien qu’ils aient continué à cartonner chez eux

GB : Utilises-tu des cordes très tendues pour ce répertoire ?

JPD : Assez, oui. 10/13/17/28/38/50, voire 52 parfois, ce qui est pas mal. Pour le blues, je mets plutôt du 009/46. Ca dépend, mais là, il fallait bien ça pour retrouver le son typique.

GB : Et les échos si caractéristiques ?

JPD : Eh bien je suis revenu à la bonne vieille chambre d’écho à bande, une Roland RE201. Ca fait du souffle, mais le grain y est…

GB : Ce répertoire est la base de la musique pop moderne…

JPD : Oui, c’est exactement ça. Pink Floyd, Queen, Dire Straits, Led Zeppelin, les Who, Clapton, McCartney, Elton John, Mike Oldfield, Frank Zappa, Police, tous ces gens là, entre autres, se réclament des Shadows et leurs rendent de fréquents hommages (notamment sur un album où ils reprenaient tous leurs titres dans les années 90). Les Shadows ont ouvert la voie, 5 ans avant les Beatles. Même McCartney s’est déguisé en Marvin dans un de ses clips pour lui rendre hommage !

GB : Ton jeu est toujours aussi fluide et expressif, ce qui n’exclue pas de jolies envolées techniques. Un solo, c’est une chose, mais c’est très délicat d’interpréter des mélodies et que ce ne soit pas d’une grande platitude ou de la musique d’ascenseur…

JPD : D’où l’utilité du vibrato, notamment. On arrive à exprimer les notes un peu à la façon d’une voix. Ca donne une palette d’articulation infiniment plus variée. C’est un coup à prendre, mais c’est très vivant. Je me sers d’une pédale de volume aussi, qui ajoute de l’expression à certaines notes en coupant l’attaque.

GB : Comme toujours, tu as joué toutes les guitares du disque, rythmiques y compris ?

JPD : Oui, et quelques basses aussi.

GB : Toujours pas de scène à l’horizon ?

JPD : Après « Guitar Connection 1 », on a sérieusement envisagé un Olympia avec Sony. Et puis leur équipe a changé, et c’est devenu compliqué. J’aimerais le faire, mais seulement dans de bonnes conditions. Et la forme actuelle de la profession ne s’y prête guère !

GB : Toujours exclusivement accroché à Fender ?!

JPD : Je n’ai rien trouvé qui me convienne mieux. J’aime bien la Gibson 335 cela dit. Mais c’est un autre univers… J’en ai essayé quelques unes… Il faut que je penche sur cette question un jour quand même ! Mais Fender va me hurler après ! De toute façon, Miss Daisy et La Marquise restent des guitares imparables. Tout le monde s’en rend compte en mettant les doigts dessus. Laurent Voulzy a craqué aussi sur Miss Daisy et le luthier et l’équipe Fender m’ont dit que c’est la meilleure guitare qu’ils aient entendu de toute leur carrière. Ils en ont même fait un article spécial dans le magazine officiel de la marque. Alors pourquoi irais-je chercher midi à quatorze heures, hein ?

GB : C’est pourtant ta Strat de 1956, La Marquise, que l’ont voit sur la pochette du nouvel album ?

JPD : Oui, parce qu’elle est de couleur Fiesta Red, comme celle de Hank. C’était une image plus appropriée…. C’est d’ailleurs La Marquise qui joue sur la plupart des titres du disque.

GB : Bon, ben on se revoit pour le Best Of ?

JPD : Voilà ! Avec plaisir !

Jean-Pierre Danel

"Guitar Connection - Tribute to The Shadows"
(7 Prod/Puzzle Productions)



Disponible en téléchargement à partie de fin février 2009