Miss Daisy, un graal de collectionneur

Après l’histoire de la Stratocaster, Jean-Pierre Danel dévoile en image un modèle de collection très rare : un modèle de pré-production, presque un prototype, datant de 1954. Baptisé Miss Daisy par ses soins, elle a passé quelques heures entre les mains de Hank Marvin lors d’une soirée entre amis…



Miss Daisy est l’une de ces quelques Stratocaster de pré-production construites par Leo Fender en juin 54 (pour le manche) et juillet de la même année pour le corps. Pour retracer l’histoire de la marque, jetez donc un œil sur l'article du même numéro.

D’après les archives Fender, on peut estimer à 60 ou 70 environ le nombre de ces guitares de pré-série. La guitare est en condition originale, sauf pour quelques unes des parties plastiques (les caches micros) et pour le manche du vibrato.



Achetée au Japon – pays où les collectionneurs ont depuis longtemps raflé la plupart des modèles vintage intéressants – elle m’est arrivée en mai dernier. C’était mon rêve depuis, très exactement, 24 ans. Mais outre le prix, la difficulté était de trouver un tel modèle…



J’ai la chance de posséder plusieurs Stratocaster, mais celle-ci dépasse tout ce que j’avais pu imaginer, et voici pourquoi.

Son corps a la rare particularité d'être en une seule et unique pièce (comme c'est le cas des modèles les plus prisés), favorisant ainsi la répartition et la résonance des ondes et les vibrations de la guitare. Les veines du bois sont plus ou moins apparentes selon le côté par lequel la lumière se réfléchit sur la guitare, mais dans le "bon" sens, les dessins sont superbes.

Elle est bien sûr équipée d'un manche en érable, très agréable, plutôt fin pour l’époque, signé "TG", pour Tadeo Gomez. Il a bien vécu et porte les marques d’usure habituelles, mais sans excès, ce qui ne nécessite pas de travaux pour le moment.
La couleur sunburst à deux tons est ici une variation ambrée, relativement inhabituelle par rapport à la teinte jaunâtre généralement appliquée aux Stratocaster de cette époque. A mon avis, le résultat ambré est d’un bien meilleur effet mais c’est vrai, je ne suis pas objectif ! Les usures charmantes montrent que la guitare a beaucoup joué – ce qui est toujours bon signe.
Miss Daisy porte le numéro de série 0585. Rien que cela fait rêver les collectionneurs !
Mais ce qui est le plus fascinant dans cette guitare, outre son charme, sa patine si séduisante, son histoire et son grand confort de jeu, c’est…le son ! Il est simplement énormissime.

Ayant la chance de posséder quelques beaux spécimen, comme une Strat ’56 (La Marquise !), une 55, une série L de 1964 et quelques dizaines d’autres merveilles, Custom Shop et autres Signatures, je crois pouvoir faire une comparaison en connaissance de cause.

Je m’attendais bien sûr à ce que Miss Daisy soit un instrument de très haut vol. Les aigus claquent et ont ce twang que seuls les vrais modèles vintage ont – sans aucune comparaison possible, avec quelque modèle actuel que ce soit, hélas, selon mon expérience en tous cas. Ces aigus là sont véritablement hors normes et exceptionnels.

Mais là où Miss Daisy a assis tout le monde, c’est dans les graves. Une claque absolument terrible ! Les positions dites intermédiaires sont également affolantes – mais le sélecteur est d’origine, et donc avec trois positions seulement, ce qui oblige à de petites précautions pour maintenir ces positions.

Pour moi, Miss Daisy est sans conteste la meilleure Strat que j’aie jamais entendu. J’ai eu la chance d’en essayer des centaines, rien qu’en comptant les vintages.

Les spécialistes mis en présence de l’engin confirment…

Ainsi, fin juin 2007, j'ai dîné avec Hank Marvin et sa femme à Paris, et j’ai eu le plaisir d’accueillir l’illustre guitariste des Shadows à la maison ensuite, pour une discussion de passionnés jusqu'à 2 h du matin !



Je lui ai expliqué l'historique de la guitare. Il était absolument emballé par le son, par le manche, par la qualité exceptionnelle de la guitare et par l'objet lui-même. Hank m’a expliqué n'avoir jamais auparavant joué sur une Strat aussi ancienne. Il possède une Strat ‘58 mais pas une pré-série de 54. La rareté est épatante en soi, mais surtout la chaleur sonore l’a conquis.

Il est évidemment difficile de décrire cela par écrit, mais imaginez votre rêve ultime de son de Strat absolu et insurpassable, ajoutez-y 50%, puis multipliez par 20…Vous serez à une petite moitié de ma surprise en branchant la Miss pour la première fois.

Bref, pour moi, ce modèle ’54 est le graal définitif et imparable pour tout amateur de Stratocaster !

Jean-Pierre Danel

Le site officiel de Jean-Pierre Danel :
www.jeanpierredanel.com