Un guitariste français parmi les meilleurs du monde ?
Dans la famille Danel, je voudrais le fils…


Guitar Hero made in France
· The Best of Guitar Connection (ITunes, 8.99 €)






Au moment où sa compilation cartonne en téléchargement, rencontre avec Jean-Pierre Danel, le guitariste français le plus vendu, qui a donné à une génération l’envie de se mettre à la 6 cordes…

- Comment est né le concept Guitar Connection ?

- Tout simplement un jour où Sony, pour qui j’ai produit de nombreux disques, m’a demandé un projet un peu atypique. J’avais fait de nombreux disques de guitare dans d’autres pays et deux avaient même été édités parSony pour la version française, mais je ne crois même pas qu’ils s’étaient aperçu que c’était moi qui jouait dessus ! Ils ne me considéraient que comme un producteur. Quand j’ai proposé un disque de guitare instrumentale en expliquant que rien de ce type n’avait été fait pour le grand public et avec une pub télé depuis longtemps, ça les a interpellé, parce que ça les changeait des éternelles compilations qu’ils sortent. Ils ne se rappelaient pas que je leur avais déjà proposé la même chose depuis des années… Quand j’ai proposé d’y ajouter les leçons sur dvd, ils ont adoré l’idée. Puis ils ont annulé le projet quatre fois… J’ai du me battre. Quand finalement le disque est sorti, ils ne pensaient même pas entrer au Top 100. Deux semaines plus tard, on était N°1… Personne n’y a rien compris !

- Vous avez fédéré un public de plusieurs tranches d’âge

- C’est le sentiment qui ressort des courriers que je reçois en tous cas, oui. Des adolescents, qui ont envie de se mettre à la guitare, d’autres plus âgés qui avaient laissé tomber il y a longtemps, certains qui sont en plein dedans et qui cherchent un coup de main, et des gens qui simplement aiment écouter l’album…

- Beaucoup de jeunes débutent grâce à vos dvd de leçon…

- J’en ai bien l’impression… Je reçois beaucoup de mails à ce sujet, et des demandes de conseils aussi. Ca fait plaisir, bien sûr.

- Ces jeunes découvrent aussi des morceaux qui ont marqué les générations précédentes…

- Oui, je crois que c’est l’un des intérêts du concept. C’est drôle de voir le nombre d’ados qui craquent sur « Apache » des Shadows, alors que ça a 50 ans… Mais c’est enrichissant je pense.

- Ce best of reprend les singles et les moments forts de la série. Est-ce vous qui en avez choisi le contenu ?

- Oui et non. Une partie des titres s’imposait parce qu’ils étaient sortis en single, et c’est ce que l’on met toujours dans une compilation. Le reste a été retenu en fonction des réactions que nous avons reçues sur les titres et de quelques choix personnels aussi…

- Votre titre préféré ?

- Aucune idée… Je suis très rarement pleinement satisfait de mes enregistrements. En ce moment, j’aime assez la reprise de « Honky Tonk Woman », alors que pourtant je ne suis pas un grand fan des Stones… Mais il y a une certaine énergie là-dedans qui me plait bien.

- Est-ce facile d’être un guitariste au pays de Bénabar et de Christophe Maé ?

- C’est aussi le pays de Cabrel, Bertignac, Thomas Dutronc ou M… Je ne sais pas en fait. Les musiciens instrumentaux semblent ignorés par les médias, inexistants dans les têtes de gondole des magasins, mais on vend quand même des disques et je reçois, comme les autres j’imagine, des tonnes d’emails, alors je ne sais pas trop quoi penser finalement…

- Vous êtes assez présent sur la toile par contre ?

- J’ai un webmaster qui travaille beaucoup ! C’est un bon moyen de faire circuler l’information. Ca ne rapporte rien, mais ça ne coûte rien non plus, alors ça rend la promotion accessible à un tas d’artistes. Je ne saurais pas mesurer l’impact exact à la finale, mais disons que ça fait du buzz, oui, sans doute…

- Vous êtes également producteur. Comment voyez-vous le devenir de la filière musicale en France ?

- Sombre… ! Il n’y pas assez de travail pour les artistes, déjà parce que l’on considère que ça n’est pas réellement un métier, et en plus parce qu’on estime trop facilement que l’on n’a pas à payer pour consommer leurs créations. L’offre va finir par se limiter à des produits très formatés, ou à des produits à notoriété locale, et donc sans gros moyens. Remplacer le disque par des concerts est une illusion, car ça coûte bien trop cher. Ce qui pourra réellement faire bouger les choses dans un sens à la fois créatif et viable économiquement reste à mon sens à inventer. Ca se fera sans doute, mais la transition est rude.

- Vous êtes né dans le milieu de la musique (Pascal Danel, auteur de fameux tubes des 60’s est son père, NDLR), ça a changé les choses pour vous y faire une place ?

- Oui : ça les a compliqué ! Mon père était plutôt retiré de la profession quand j’ai débuté. Son poids sur la profession était nul, comme d’ailleurs la plupart des artistes, car les gens influents sont plus dans les médias que parmi les artistes eux-mêmes. J’ai croisé du monde, mais presque personne avec qui j’ai travaillé ensuite je crois, à part Laurent Voulzy, que je connaissais depuis petit garçon… Cela dit, si mon idée de duo lui avait déplu, copain ou non, il ne serait pas venu je pense…

- Les récentes disparitions subites et dramatiques d’artistes comme Michael Jackson, DJ AM ou en France Filip des 2be3, ça vous inspire quoi ?

- De la tristesse… Comme tout le monde, je pense. Les artistes sont le plus souvent des gens fragilisés par une chose ou une autre, et qui ont généralement un besoin de reconnaissance et d’amour un peu exacerbé. Quand ils sentent qu’on le leur retire, ça les détruit. Jackson s’est senti humilié lors de son procès de ce que j’en comprends. Je connais moins le cas personnel de DJ AM, mais Filip des 2be3 était unanimement perçu comme has been, ce qui, après son succès populaire et les tonnes d’argent que son groupe a rapporté à la profession, était assez injustement soudain et moqueur… Ca blesse profondément ces choses-là. Ce métier est plus dur qu’il ne semble.

- Ce sont des pressions que vous craignez pour vous-même ?

- Oh non ! Je ne suis pas médiatisé le moins du monde. Même si j’ai vendu des disques, je reste toujours le type inconnu planqué derrière la guitare que l’on voit dans la pub télé. Ca n’est pas grave, et c’est assez confortable, même si ça n’empêche pas les jalousies et les papotages, que je connais bien aussi, hélas. Mais je peux sortir dans la rue : je ne risque rien ! Je dois signer 4 autographes par mois… Quant au métier lui-même, les gens des maisons de disques ou des médias y font assez souvent des séjours brefs, ce qui permet de ne pas se coltiner trop durablement ceux qui vous énervent !

- Après ces succès, qu’est-ce que vous vous souhaitez maintenant ?

- Un peu plus de liberté de création, sans doute… J’ai plusieurs projets. J’aimerais pouvoir m’y mettre sans me demander si Sony ou Universal les jugera suffisamment rentables ou pas… Leur avis m’effraie de plus en plus, car on a affaire à une génération inculte. J’ai eu de plus nombreux projets comme producteur que comme artiste, mais même là, les marges de liberté sont de plus en plus étroites… J’essaie aussi de tenir compte des nouvelles habitudes de consommation de la musique et de l’image. Je suis d’une génération un peu entre deux chaises, mais j’essaie de ne pas être trop largué !

J.M. Revel / Zik Blog – Septembre 2009